mercredi, janvier 26, 2005

La maladie du silence...

Il y a eu beaucoup d'"action" sur la Journa-Liste la semaine dernière. On y a parlé de Mitsou, de re-lecture, de la décision du CRTC d'autoriser la vente de CKAC...

Certains sur cette liste s'écoutent écrire, mais d'autres par contre sont très pertinents. Michel Morin est un de ceux-là et c'est avec sa permission que je publie ici son intervention sur la dite Journaliste. Sujet: La maladie du silence... Les caractères gras sont de moi.(G.V.)
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Très chers collègues, j'écris rarement sur la journaliste et j'ai décidé, dans le débat qui entoure la transaction Astral / Corus de vous soumettre une hypothèse concernant le silence, non seulement de la confrèrerie journalistique, mais aussi des organisations, décideurs etc.

Le modèle économique actuel des médias est tout simplement devenu pervers par le fait que les grandes entreprises sont à la bourse et doivent rendre des comptes à des actionnaires. Je sais que je ne vous apprend pas une grande vérité. Nous savons tous que ce système a fait naître un phénomène de dictature au sein des organisations. Pour avoir fait de la radio et de la télé en région, puisque passé les ponts de Montréal nous arrivons en région, à chaque fois c'est le même chose. Nous devons suivre les ordres qui viennent de Montréal.

Il n'y a plus de plan de développement individuel pour les radios, télés ou hebdos. Il n'y a qu'un plan global pour tout le monde. Donc, quand on ne suit pas les ordres d'en haut, on nous invite à quitter.

Étant un fervant défenseur de l'information locale et régionale, j'ai eu souvent des discussions avec nos joyeux gestionnaires qui ne comprennent rien de la réalité des régions. Depuis plus de 4 ans je travaillais pour une coopérative de travailleurs en télé à Drummondville. Nous avions une entente de partenariat avec Cogeco pour coproduire des émissions d'information à la télé locale. Nous avions 4 bulletins par semaine de 15 minutes avec d'autres émissions. Nous avons travaillé très fort pour aller cherché l'auditoire en déployant beaucoup de professionnalisme car nous avions l'étiquette de la télévision communautaire.

À l'automne, Cogeco a décidé d'introduire des émissions d'information partout sur son réseau de télévision locale. Bonne nouvelle pour plusieurs régions, sauf que nous il fallait passer de 4 à 2 émissions semaines et à des heures de diffusions ridicules. Nous avons sonné une alarme à la direction car les gens nous cherchaient à l'écran. Malheureusement, la direction n'a rien voulu entendre. Résultat, j'ai quitté la télé. Cogeco a engagé une toute jeune fille de Montréal qui vient faire des nouvelles à Drummondville...

Dans les dicussions avec la direction de Cogeco, je me suis fait dire : "Michel, tu fais parti d'un réseau maintenant". Ça veut donc dire implicitement ferme ta gueule. Donc, il y a un climat de dictature qui règne en général dans les médias. Il y a peut-être des exceptions, mais de mon vécu et selon de nombreux témoignages de confrères ou consoeurs, la dictature est belle et bien installée. D'ailleurs, observez autour de vous ou dans d'autres domaines et vous verrez que nous glissons tranquillement dans ce système.

Le silence est donc de mise pour de nombreux travailleurs dans les médias, cadres inclus. Les quelques uns, comme moi, qui osent s'opposer à la ligne du parti, se voit montrer la porte. À la différence de Saddam Hussein, les gestionnaires d'aujourd'hui ont l'obligation morale de nous garder vivant. Je vais vous épargner le récit de toutes les décisions suicidaires de nos joyeux gestionnaires qui doivent suivre et imposer la ligne de parti.

Le silence des décideurs ou tout autres groupes qui pourraient émettre une opinion, ou du moins s'inquiéter des conséquences de la transaction Astral / Corus, est directement relié au copinage ou à un désintéressement de la chose par manque de connaissance. Là encore il y a des exceptions car plus de 4000 mémoires ont été déposé, je crois, au CRTC, vous me corrigerai si je me trompe.

À Drummondville, si la transaction passe, nous allons vivre sous la domination d'Astral qui sera propriétaire des trois plus importantes stations dans le marché. Par chez nous on appelle ça un monopole et par chez nous on se met la tête dans le sable. Personne ne s'inquiète des conséquences, ni la Chambre de commerce, ni la SSJB qui prône pourtant la démocratie, ni le CRÉ etc. Personne ne s'inquiète des retombées sur les coûts publicitaires ou sur l'information car nous savons qu'Astral n'a pas un passé à se rouler par terre au niveau de l'info.

En conclusion, les débats, les forums, les échanges, les discussions, l'entraide doivent faire place au silence car il en dépend de nos jobs si on parle trop...La "montréalisation" de l'information c'est comme les antibiotiques plus on nous en donne, plus on en prend, plus notre système s'habitue. Et ça, les tueurs à gage de l'information que sont devenus les gestionnaires le savent.

Michel Morin
maintenant journaliste pour le nouvel hebdomadaire indépendant L'Opinion, qui dérange bien sûr les hebdos de Transcontinental à Drummondville qui ont perdu leur monople et qui dérange bien sûr la direction ainsi que les actionnaires et qui l'establisment drummondvillois.