vendredi, juin 10, 2005

LE MONOPOLE RADIOPHONIQUE D’ASTRAL À DRUMMONDVILLE : LES COMMERÇANTS EN PAIERONT-ILS LA NOTE?


Cet éditorial est publié aujourd'hui dans L'Opinion, un journal indépendant de Drummondville...

La station CJDM-FM est passée entre les mains d’Astral Média dans le cadre d’une méga transaction avec un autre géant, Corus Entertainment. Astral est déjà propriétaire de BOOM-FM, ce qui veut dire le début d’un monopole radiophonique dans la région. Tout bon « prof » d’économie vous dirait qu’un monopole n’est jamais très bon : une entreprise a beau jeu au niveau des coûts. Dans ce cas-ci, se sont les commerçants qui risquent de payer la note.

Astral est donc le seul joueur à Drummondville en matière de publicité radio. Comme le rendement est extrêmement important, les commerçants pourraient connaître une hausse des tarifs publicitaires. Si vous vous dites pas de problème, allons à Rock Détente de Sherbrooke, alors là, mauvaise nouvelle, c’est que cette station appartient aussi à Astral.

Y’A-T-IL QUELQU’UN QUI PROTÈGE LES COMMERÇANTS?

Dans l’implantation du monopole d’Astral, les commerçants ont été laissés à eux-mêmes sans qu’aucune organisation de la région n’émette le moindre soupir. La Chambre de commerce et d’industrie Drummond n’est pas intervenue. Pour avoir discuté avec certains administrateurs, ils étaient déconnectés de la situation. Mais le silence de l’organisme s’expliquerait peut-être par la présence, comme administrateur, d’une personnalité du monde médiatique écrit. Cette personne étant à la solde d’un géant de médiatique, qui lui aussi était en situation de monopole avant l’arrivée de L’Opinion.

Dans le même ordre d’idée, la Société de développement commercial centre-ville n’a émis aucun son. Un des administrateurs est le directeur général de CJDM-FM, Pierre Gaudreau. Il était donc impensable pour la SDC de s’opposer à la transaction Astral / Corus. Sans quoi, monsieur Gaudreau aurait été dans une drôle de situation : s’opposer à son employeur actuel et futur…Donc, silence.

Une intervention bien orchestrée et concertée aurait démontré au CRTC que la région n’est pas prête à accepter l’implantation d’un monopole avec ces retombées perverses pour l’économie. Mais le silence démontre au contraire que nous sommes incapables de nous tenir debout face à une « montréalisation » de nos médias. Par le fait même nous sommes prêt à accepter les pires imbécillités que nous préparerons les gestionnaires montréalais. Ha, il y a bien eu une lettre de Corporation de développement communautaire, une lettre de la ville et moi qui a déposé un mémoire et qui a comparu devant le CRTC. Mais le silence de plusieurs organismes est totalement inquiétant. Nathalie Simard disait l’autre soir : « Le silence des victimes donne un pouvoir énorme aux abuseurs ». Notre silence donne donc un pouvoir aux grandes entreprises de presse. Plusieurs ont baissé les bras disant « qu’il n’y a rien à faire, c’est la fatalité, c’est comme ça partout ». Pis encore, « si on parle on se fait fermer des portes ». Sommes-nous au temps de l’Occupation des nazis en France? Si oui, je fais parti de la résistance et j’en suis fier. Alors fermez vos portes, je sors.

Deuxième partie...

LE SORT DE L’INFORMATION RÉGIONALE

La transaction Astral / Corus, c’est de la haute voltige financière et à ce stade on est très loin des intérêts du public. En fait à ce niveau, il y a un décalage important entre les gestionnaires, qui sont devenus des tueurs à gage de l’information, et le public, de plus en plus instruit, qui souhaite une information de qualité. Pour connaître les vrais intérêts du public, il ne faut pas vivre dans une tour montréalaise mais bien sur le terrain à Drummondville. L’unique objectif des actionnaires est de faire monter leurs actions. Ils sont au service des actionnaires et le public est loin de faire partie de leur préoccupation.

Ça donne cette séance de voyeurisme à la Pierre-Karl Péladeau, PDG de Québécor, alors que Nathalie Simard s’est confiée à TVA, (propriété de Québécor) moyennant 100 000 $. Pendant l’émission, de la publicité annonçant une revue (propriété de Québécor) dans laquelle on retrouve l’histoire de Nathalie. De plus, son livre sera publié chez Québécor. Combien a rapportera le 100 000 $ investit? Tout était orchestré d’avance. Ça n’enlève rien au geste et au courage de Nathalie Simard mais ça laisse un goût amer de savoir que les malheurs de Nathalie influenceront la cote de Québécor en bourse. En fait, l’éthique et le bon goût disparaissent. Il n’y a plus de règle du jeu quand on veut faire monter l’action. Les grands groupes de presse s’adonne à de la manipulation génétique pour s’assurer de remporter la course au profit.

C’est là que nous retrouvons ce mélange des genres comme un animateur-journaliste radiophonique qui couvre les conférences de presse et qui nous vend du brocoli en fin de journée. Comme ces représentants commerciaux qui sont assis à la table des journalistes et qui posent des questions.

UN SILENCE DÉSUET

Le silence du CRTC, des gouvernements, des organismes et du public a permis à Power Corporation, TVA, Corus Entertainement, Cogeco, Transcontinental et Astral, de chambouler à leur guise leurs rejetons régionaux. Le silence a donné le pouvoir aux radiodiffuseurs et aux télédiffuseurs de couper dans l’information et dans les heures de diffusion locale. On rationalise et on uniformise partout car tout le monde doit faire la même chose partout. Drummondville a perdu un bulletin de nouvelle à la télévision locale de Cogeco. Personne n’a composé le 1-800-709-3555 pour se plaindre de la disparition de TéléCentre après quatre ans de travail.

Les initiatives locales indépendantes subissent les assauts des empires médiatiques car on ne veut surtout pas de nouveaux joueurs dans l’assiette publicitaire. On veut protéger son marché. Les commerçants se retrouvent pris dans cet étau et sont même souvent menacés s’ils osent manifester un intérêt pour la nouveauté.

Il est devenu évident que le modèle médiatique actuel étouffe la région et crée un climat de cannibalisme entre les médias détenus par des empires et les médias locaux indépendants. Pourtant le public drummondvillois a droit à une information de qualité, diversifiée et indépendante de toute influence commerciale. Mais au pays de la concertation, ce sujet est tabou.

Michel Morin